La vie est un bal masqué.
Nos
conditionnements, notre éducation, nos croyances, les normes sociales,
nous coupent de notre être profond, étouffent notre intuition, et nous
asservissent. Peu de gens se connaissent vraiment et/ou osent se montrer
sans masque.
Peu de gens sont donc en accord avec eux-mêmes. Or, ne pas
être en accord avec soi c'est se condamner à subir une vie avec
laquelle on ne fera que se
débattre, prisonnier de costumes, de rôles qui finiront par nous
définir.
Nous sommes nos propres tortionnaires, et le seul moyen que
nous avons trouvé pour tromper notre sentiment d'échec c'est de juger
l'autre, de façon souvent impitoyable, et d'exiger de lui une
authenticité dont nous sommes incapables.
Alors oui, parfois, je me dis
qu'une fin non pas du monde mais d'UN monde, celui-là, nous aurait fait
le plus grand bien...
Mélina, Décembre 2012
"J'abandonne mon être à mes lettres, car l'écriture sans âme n'est que lettres..."
De moi, vous dire..
- Mélina
- Paris, France
- Ma vie, c'est du bonheur à ne plus savoir qu'Enfer. Journaliste littéraire et culturelle pour le BSC News Magazine, je suis une passionnée, amoureuse de la vie et boulimique de mots. Ceux que je dévore à travers mes très nombreuses lectures, et ceux qui se dessinent et prennent vie sous ma plume. Je travaille actuellement à l'écriture d'un roman, d'un recueil de poèmes ainsi que d'un recueil de tweets. A mes heures perdues, s'il en est, j'écris des chansons que j'accompagne au piano. Mon but dans la vie ? Réaliser mes rêves. Work in progress... LES TEXTES ET POÈMES PRÉSENTS SUR CE BLOG SONT PROTÉGÉS PAR LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE (COPYRIGHT).
29 déc. 2012
26 déc. 2012
'L'amour dans la vie des gens', Sophie Fontanel
« Admettre
que, certaines personnes, l'amour qu'on leur porte les émeut. Mais que c'est
peut-être leur maximum. »
Ce
livre n’est pas un roman. Il ne raconte aucune histoire. Où plutôt, il les raconte
un peu toutes. Sophie Fontanel nous parle d’amour. En toute sincérité, en toute
simplicité, elle évoque tout ce que ce sentiment puissant suscite de beauté, d’émerveillement, d’espoir,
de joie, mais aussi de déception, de solitude, de manque, d’illusions, dans la
vie de chacun de nous. Tout et son contraire en quelque sorte.
Les
pensées, anecdotes, constats et autres coups de gueule se succèdent à un rythme
qui laisse peu de répit. Car, même s’il est possible de picorer ça et là
quelques phrases sans se plier à une lecture linéaire, en réalité, une fois
commencée, il est difficile d’en interrompre la lecture ! Car on s’y retrouve
forcément, dans nombre de ces morceaux de vie. C’est d’ailleurs l’une des caractéristiques
de l’amour, quoi que l’on écrive à son sujet, il y aura toujours quelqu’un pour
s’y retrouver.
Sophie
Fontanel, dont on devine quelques désillusions, se laisse aller avec humour,
douceur, ironie parfois, sur ce thème qui lui est familier, comme il l’est à
chacun de nous. Elle nous ouvre son cœur pour nous parler de l’amour qui fait
du bien, de l’amour qui fait du mal, de celui pour lequel on se bat, de cet
autre contre lequel on lutte, de l’abandon de soi, du dévouement à l’autre, de
l’être aimé que l’on quitte, ou de celui qui nous abandonne… Elle évoque avec
sensibilité les doutes, les interrogations, les peurs qui empêchent bien
souvent l’amour de se révéler, de s’épanouir, d’être tout simplement.
Voici
quelques extraits piochés au hasard (ou pas tant que ça d’ailleurs...) :
« Une
nuit, ça me réveille, la pensée que dans mon cas l'expression "donnant,
donnant" signifie juste que je donne deux fois. » ;
« Celui-ci,
en phase maniaque, il prend une fille assez rêveuse et il l'aime. Et après, il
redescend et il la détruit. »
« Echec
de Laurent qui voulait se trouver une petite amie sans importance pour oublier
la femme qu'il aime. »
« Quand je comprenais qu'un
homme ne pouvait pas aimer, je n'avais pas le coeur à abandonner cette personne
à une telle détresse. »
« Il
propose son amitié en guise de rupture. Mais elle : "L'amitié, qui ça
intéresse quand on aime ?".
»
« Que
je me suis très lourdement trompée.
Que je n'ai pas trouvé ce que je
cherchais.
Que je n'ai pas su vivre. »
Un
petit livre sans prétention dans lequel chacun puisera un peu d’espoir, de
réconfort, de douceur, selon son histoire personnelle. Un peu d’amour en tout
cas.
Mélina Hoffmann
6 déc. 2012
'Avant, pendant, après', Jean-Marc Parisis
« La première fois que je l'ai vue, je ne l'ai pas vue, je l'ai aimée de dos. Je savais que lorsqu'elle se retournerait, ce serait pire. Blonde avec des traits de brune. Ses yeux brillaient d'une lumière mystérieuse et familière qui semblait venir du fond de l'enfance. Le pain et le chocolat, la marelle au soleil, les genoux écorchés, les matins d'hiver si durs à se lever. »
François
Roman est un parolier à succès. Son registre ? Les chansons d'amour. L'amour
dont il noircit des pages sans véritablement en remplir sa vie, qu'il partage
pourtant avec Laurence. Mais ça, c'est l'"avant".
Et puis,
lors d'une soirée parisienne, François rencontre une jeune femme à
l'envoûtement de laquelle il succombe et qui lui murmure à l'oreille : « Vous n’avez pas froid sans
manteau ? Ne rentrez pas trop tard », avant de se glisser dans un
taxi et de s'effacer tel un courant d'air dans la nuit, avec la légèreté d'un
ange.
Captivé par cette femme mystérieuse
qui a mis tous ses sens en émoi, attiré par le parfum de danger qui émanait
d'elle, François n'a qu'une seule envie, la retrouver. Qu'a-t-il à craindre,
lui qui n'avait jamais souffert d'amour, lui qu'on n'avait jamais quitté...
Arrive alors le "pendant"
d'une relation délicate et sensuelle, au goût brûlant de passion entre les deux
amants. François découvre les vertiges de l'amour, celui-là même qu'il n'avait
jusqu'alors qu'écrit et qu'il découvre avec enchantement.
Mais la passion se nourrit de l'éphémère
et de l'impossible. Elle se consume aussi vite qu'elle s'embrase. Et alors même
que le "pendant" a un goût d'infini, l'"après" se dessine
déjà en filigrane. Arrive le temps de la séparation des corps et des cœurs qui
ne s'étaient faits aucune promesse. François, désemparé, se trouve à nouveau
plongé dans une solitude que les souvenirs de cette passion rendent un peu plus
douloureuse qu'avant. La jalousie, l'incompréhension, la désillusion et le désespoir
viennent recouvrir l'ivresse des plus beaux sentiments.
« Si l'amour est le plus court
chemin vers la solitude, le mensonge conduit à la folie. Esseulé dans l'amour,
aliéné par le mensonge, je m'étais complètement perdu. Dans l'amour, quand on
n'est pas deux, on est moins qu'un. »
Si le
thème du triptyque amoureux "rencontre, passion, séparation" n'a,
certes, rien d'original, la plume fluide, précise et réaliste de Jean-Marc
Parisis lui donne néanmoins une autre saveur. Alternant romantisme et
brutalité, il décrit avec minutie les trois temps d'une histoire d'amour passionnelle
dans un Paris fiévreux et incandescent, dévoilant à travers sa prose masculine toute
la gamme des sentiments propres à la passion.
Un roman qui
sonne juste et qui nous charme.
Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC
NEWS MAGAZINE de Novembre 2012 (pages 144-145)
19 nov. 2012
'Replay', Ken Grimwood
« Il avait dix-huit ans, et il n'ignorait rien
de tout ce qui se produirait de déterminant dans le monde, pendant les deux
décennies à venir. »
Imaginez
que vous ayez la possibilité de recommencer votre vie avec le souvenir de tout
ce qui va se produire, que changeriez-vous ? La réussiriez-vous mieux ?
Feriez-vous d'autres choix ? Essayeriez-vous d'empêcher certains évènements de
se produire ?
Un matin de
1963, Jeff se réveille dans sa chambre universitaire, à côté de son meilleur
ami et camarade de classe. Rien de plus normal, à priori, pour un étudiant de
25 ans... Sauf que Jeff est mort la veille d'une crise cardiaque, à l'âge de 43
ans !
Difficile
pour le "jeune" homme de comprendre ce qui lui arrive et de savoir quelle
attitude adopter. Il se retrouve dans le corps de ses 25 ans, auprès d'un ami
qui s'est suicidé des années auparavant (qui deviennent alors des années plus
tard), ses parents ont le même âge que lui hier à la même heure, le président
Kennedy n'a pas encore été assassiné... Rapidement, Jeff comprend qu'on ne le
croira jamais. Dès lors, pourquoi ne pas profiter de toutes les possibilités
qui s'offrent à lui ? Pouvoir recommencer sa vie en se souvenant du futur,
n'est-ce pas finalement une chance ? Il va pouvoir séduire à nouveau celle qui
sera sa femme des années plus tard mais ne l'ignore encore, empêcher
l'assassinat de Kennedy, parier sur les matchs sportifs dont il connaît déjà
les résultats, anticiper les évolutions économiques... : autant de perspectives
alléchantes, et pourtant...
Quelques
années plus tard, le phénomène se répète. Jeff meurt et renaît à nouveau, mais
pas exactement au même moment. Et c'est ainsi que les replays vont s'enchaîner,
sans qu'il ne puisse l'empêcher. Bénédiction ou malédiction ? Prisonnier d'une
vie qui n'en finit pas de finir et qu'il tente d'appréhender chaque fois
différemment, le jeune homme se rend compte, peu à peu, que son impact sur les
évènements est limité, que sa vie n'est ni meilleure, ni pire, mais simplement
différente. Mais, est-il le seul à vivre ce phénomène ? Pourquoi et jusqu'à
quand devra-t-il subir cela ?
Au-delà d'un
récit rythmé et prenant, ce livre nous invite à une véritable réflexion
spirituelle sur le sens que nous donnons à notre vie et notre rapport au
présent.
Confronté à
une situation qui pourrait à première vue faire rêver, le héros nous montre que
la pensée de pouvoir mieux faire si nous revenions en arrière est finalement
illusoire. Un choix qui se révèle décevant ne signifie pas pour autant que le
choix inverse aurait été meilleur. Il aurait pu se révéler aussi décevant, si
ce n'est davantage.
« Il avait essayé d'utiliser sa préscience pour
remodeler le destin de façon positive, en un acte qui l'élevait bien au-dessus
de la banalité de ses paris et de ses combines d'investissements - or ses
efforts avaient à peine provoqué une petite ride à la surface de l'Histoire :
le nom de l'assassin avait changé, rien de plus. »
D'une intensité et d'une profondeur assez inattendues pour
le genre, ce livre nous rappelle que seul le moment présent existe et que nous
gaspillons un temps précieux à nous poser trop de questions, à alimenter
remords et amertume, à croire que nous avons l'éternité devant nous... au lieu
de vivre, simplement et pleinement l'instant présent, qui déjà s'échappe...
Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC
NEWS MAGAZINE de Novembre 2012 (pages 146-147)
11 nov. 2012
'Aimer c'est résister', ouvrage collectif
« Aimer c’est se sentir plus vulnérable et plus fort.
Résister contre l’ennui, l’indifférence, résister c’est aimer. Quelque chose
qui résiste en nous, qui résiste aux maux et aux mots, que l’on ne saurait
dompter, tout juste apprivoiser comme un petit renard fauve, qui se sauve, qui
nous sauve. (...) Aimer c’est être ému.
»
Aimer c’est rêver,
espérer, désespérer parfois ; désirer, comprendre, attendre, oser. Aimer
c’est sentir un quand on est deux et parfois moins qu’un quand on est seul.
Aimer c’est vivre hors du temps, en plein soleil ou, d’autres fois en pleine
tempête quand l’amour file ou se défile. Aimer c’est voir à nouveau le monde
avec ses yeux d’enfant, retrouver la magie de nos cœurs insouciants. Aimer
c’est laisser s’accorder l’âme, le cœur, le corps, un sentiment intense qui
nous embrase, nous dévore. Aimer c’est… tout ça, bien plus encore.
Et puis aimer, c’est
aussi résister. Résister aux nombreux obstacles qui menacent l’amour, tentent
de le condamner ; nos doutes, nos peurs, nos déceptions, nos illusions déçues,
nos rêves perdus, nos attentes trop élevées... Résister à notre envie de
réécrire l’autre, de le changer. Résister au manque, à l’absence, à
l’indifférence, au temps qui passe, qui lasse parfois.
Ce recueil 2.0, dirigé
par Franck-Olivier Laferrère, réunit les plumes de dix auteurs qui, chacun à
leur manière, se sont emparés du thème « Aimer, c’est résister », le
déclinant dans des styles et des tons fort différents les uns des autres.
Ici, nous nous trouvons
immergés dans les pensées d’une jeune fille qui s’interroge sur la notion
d’héroïsme au sein de la Résistance ; là, c’est une jeune infirmière qui nous
emmène dans son quotidien auprès de handicapés moteurs et mentaux ; ailleurs,
c’est une femme qui apostrophe son amant, le mettant en garde de façon
satirique sur les dangers qui menacent la vie de couple, « Avant que tu
deviennes méchant et con et moi triste et aride, amusons-nous encore un peu,
hein. » ; ailleurs encore, une autre plume nous dresse – à la manière
d’un essai - le portrait d’une femme moderne, « La Femme moderne est
araignée. Sa toile va de son carnet d’adresse à son site Internet et, pourtant,
elle veut cet homme qui ne veut rien. Elle désire cet homme qui, sans affect,
mais en conscience aime d’amour et propose l’amitié. Tout le travail
d’aimer. »
Chacun des auteurs nous
emmène ainsi dans un univers qui lui est propre, abordant l’amour sous un angle
que l’on n’attend pas forcément, parfois avec tendresse et douceur, parfois
avec humour ou dérision. Je n’ai pas été séduite par toutes les nouvelles (et
je pense qu’il est difficile de l’être au vu de la variété des plumes), j’en ai
abandonné certaines au bout d’une vingtaine de lignes, d’autres m’ont laissée
sur ma faim, et puis je me suis régalée de quelques-unes d’entre elles que j’ai
eu envie de relire.
Un recueil qui vaut donc
le détour, notamment de par l’expérience de lecture singulière qu’il propose
grâce à la présence d’illustrations ainsi que d’une musique de fond qui nous
accompagne tout au long de ces dix nouvelles. Nous sommes ainsi tour à tour
surpris, enchantés, déçus, transportés, secoués, selon nos attentes et nos
préférences littéraires, et finalement, on en demanderait bien encore !
Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC
News Magazine d'Octobre 2012 (pages 108-109)
30 oct. 2012
'Lucienne', de Jean-Michel Berardi
« - EDMOND !
EDMOND !
Non, il est bien trop loin pour m'entendre ! Et puis,
sait-il que je vais venir ?... Parfois j'en doute ! En ce moment, je le trouve
bizarre, pas dans son assiette, préoccupé... Mais préoccupé par quoi ? Non, ce
n'est pas préoccupé, c'est plutôt perdu, égaré... Ce ne serait pas surprenant
parce que sous terre, il n'a plus de repère, plus de saison, plus de lumière...
et pas de calendrier. »
Lucienne a 76 ans et n’a d’yeux que pour Edmond, son
défunt mari que l’on jurerait vivant pourtant, tant elle le traite avec amour,
respect, tendresse et bienveillance. Mais c’est bien au cimetière de son
village qu’elle lui rend visite chaque jour, lui raconte son quotidien, lui
confie ses angoisses, lui livre son regard sur le monde moderne et ses travers,
l’interpelle, interprète ses silences ou lui prête des répliques… Une
bouleversante relation qu’elle ne partage pas, n’ayant ni enfant, ni personne
pour s’occuper d’elle.
« Le silence, c'est comme une cage que l'on
construit autour de soi, petit à petit, barreau après barreau et si le silence
dure trop longtemps, quand on veut en sortir, on ne peut plus ! (…) Il y en a
qui se résignent et qui se taisent pour toujours, il y en a d'autres qui se
mettent à crier, et d'autres qui partent. Il y en a qui vont voir le docteur et
qui prennent des pilules pour moins penser, et encore d'autres, comme moi, qui
parlent dans leur tête... à des morts au cimetière... »
Lucienne est une vieille dame attachante et dotée
d’un sacré caractère, qui nous fait rire et nous émeut tout à la fois, entre sa
gentillesse, ses coups de colère, ses réflexions sur la vie et les souvenirs
qu’elle évoque pudiquement. D’abord enfermée dans cet amour qui semble avoir
survécu à la mort et qui continue à prendre toute la place, nous l’observons
revenir lentement à la vie, sa propre vie.
Peu à peu, son regard change sur ce qu’a été son
existence, sur ce à quoi elle aspire. Elle ouvre les yeux sur la monotonie de
son quotidien, sur sa relation avec Edmond aussi, redécouvre l’espoir. Elle rencontre
alors Joseph, un clochard qu’elle accueille chez elle. Au fil des jours elle se
surprend à penser à lui, à apprécier sa compagnie, une compagnie différente de
celle d’Edmond. Une compagnie qui ressemble davantage à une présence. Des
sentiments dont elle se sent d’abord coupable, desquels elle se justifie,
s’excuse presque !
« (...) Je me demande s'il ne tourne pas jaloux
que je m'occupe de Joseph... Je ne lui en ai même pas parlé mais c'est vrai
qu'en ce moment, je pense autant à l'un qu'à l'autre et c'est bien la première
fois que ça m'arrive... Il doit le sentir... ou alors c'est moi qui change. Il
faut dire que Joseph, même s'il ne parle pas, il est là, vivant, il vient, il
part le matin, il rentre le soir et ce n'est pas le cas d'Edmond !... Pourtant,
ce n'est pas parce qu'il est mort que je dois l'oublier... Mais sans l'oublier,
il y a peut-être de la place pour deux... »
Et puis, quand par un beau matin Joseph décide de
partir sans prévenir, Lucienne, bouleversée, prend alors des décisions qui
donneront à sa vie une tout autre tournure…
Jean-Michel Berardi nous offre ici une histoire
touchante, débordante d’humanité, qui nous hante longtemps. On sourit, on rit
aussi parfois, mais toujours avec quelques larmes hésitantes au bord des yeux.
On aime Lucienne, cette veille dame qui en symbolise tant d’autres et nous
semble si familière. On voudrait la protéger, la rassurer, lui rendre un peu de
cet amour qu’elle distribue sans compter. Lucienne est bien plus qu’un
personnage de roman, vous le comprendrez en refermant la parenthèse de douceur
qu’est ce livre.
Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC
News Magazine d'Octobre 2012 (pages 106-107)
23 oct. 2012
'L'écho des silences', d'Heather Gudenkauf
« Ses
yeux vides d'expression sont levés vers moi et son visage en plastique est figé
dans un demi-sourire. Je tends la main vers la poupée et je la prends. Elle est
vieille et abîmée, on dirait qu'elle sort d'une poubelle. Sur son torse nu, on
a écrit deux mots au marqueur noir, deux mots qui, je le sais, me suivront
désormais partout, où que j'aille. Tueuse d'enfant. »
Allison a 16 ans lorsqu'elle entre en prison pour y passer le reste de son adolescence. Elle avait pourtant tout pour réussir et de nombreux projets, si seulement il n’y avait pas eu ce faux-pas, cette « erreur de parcours » qui s’était transformée en véritable tragédie et avait tout fait voler en éclats… Tueuse d’enfant : des mots qui la suivaient désormais comme son ombre.
C’est une jeune femme fragilisée qui sort de prison cinq ans
plus tard. A 21 ans, Allison a tout à reconstruire, et la volonté de le faire.
Elle retourne à Linden Falls, la ville de son enfance, dans
l’espoir de se réinsérer dans la société et de renouer avec ses parents, mais
surtout avec sa petite sœur Brynn, qui l’adulait. Mais le retour à la vie
extérieure n’est pas simple. Rejetée par ses parents trop meurtris, ignorée par
sa petite sœur traumatisée par ce drame et considérée comme un monstre par de
nombreuses personnes, Allison doit puiser au plus profond d’elle-même la force
de se relever sans cesse et de s’imposer dans un monde qui semble ne plus
vouloir d’elle.
Et puis il y a ce silence oppressant qui l’unit à sa sœur et à
deux autres femmes, Charm et Clair. Un silence qui abrite de terribles secrets
et qu’il lui faut préserver à tout prix. Car à quoi bon remuer un passé déjà si
lourd de drames alors qu’elle se trouve à l’aube de son avenir. Surtout quand le
destin d’un petit garçon est en jeu…
Mais le silence résonne parfois si fort qu’il finit par se
rompre et se répandre dans un vacarme.
Heather Gudenkauf nous offre ici un polar
captivant et émouvant qui réussit – et c’est assez rare pour être précisé – à
nous surprendre par une intrigue dramatique originale et parfaitement maîtrisée,
sur un sujet pour le moins dérangeant.
Les personnages – à la psychologie
travaillée - prennent tour à tour la parole dans de courts chapitres pour mieux
nous tenir en haleine jusqu’à un dénouement aussi bouleversant qu’inattendu. On
ne cesse de se poser des questions sur les intentions de chacun des
personnages, sur les véritables liens qui les unissent, on s’interroge sur ces
secrets que chacun se donne tant de mal à préserver, on doute… Et c’est avec
une compassion mêlée d’angoisse que nous suivons le parcours d’Allison, héroïne
touchante, attachante et courageuse, confrontée aux rebondissements et aux
choix les plus délicats.
Un livre qu’on dévore plus qu’on ne le
lit, et qui fera, c’est certain, le bonheur des amateurs du genre. Une belle
surprise !
Mélina
Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC
News Magazine d'Octobre 2012 (pages 104-105)
10 oct. 2012
'Les amants du n'importe quoi', de Florian Zeller
« En bas de l'immeuble, Tristan pense à
Amélie. Il se dit qu'il va la tromper ce soir, que ce sera la première fois.
A-t-il réellement cru, un jour, qu'il parviendrait à se défaire de cette folie
qui le pousse de fille en fille ? Au début, peut-être ; mais les débuts ne
veulent rien dire, les débuts mentent. »
Amélie aime Tristan. Tristan aime Amélie... et aussi
toutes les autres femmes. Pourquoi n'être qu'avec une seule quand on les désire
toutes ? Il avait pourtant cru qu'avec elle les choses pourraient être
différentes, qu'elle pourrait le faire sien ; il l'avait même laissée
s'installer dans sa vie, ébloui par la passion et la magie d'un amour naissant.
Mais Tristan est rapidement rattrapé par sa vraie
nature, son immaturité sentimentale. Le jeune homme est en proie au doute. Se
sent-il vraiment prêt à renoncer à toutes ces autres femmes qu'il pourrait aimer
? Désire-t-il vraiment devenir l'homme d'une seule d'entre elles ? Ne devrait-il
pas plutôt quitter Amélie ? N'est-il pas prisonnier de sa tendresse à son égard
?
Et puis, alors qu'Amélie est en déplacement, il
rencontre O. à une soirée et ne résiste pas à ce goût - désormais interdit - de
liberté. Pourtant, prisonnier de sa tendresse à l'égard d'Amélie, il ne
parvient pas à prendre la décision de la quitter. Comment pourrait-il la faire
souffrir ainsi, la décevoir, la laisser telle une orpheline, elle, si fragile, qui
ne semble exister qu'à travers son amour pour lui.
« Il lui suffisait d'imaginer Amélie en larmes
pour désamorcer toute envie immédiate de rupture. Lui dire quoi ? Qu'il n'était
pas heureux ? Qu'il avait besoin de retrouver sa liberté ? Et qu'en ferait-il,
de cette liberté retrouvée ? Sans doute repartirait-il à la conquête de la vie.
Mais à elle, que lui resterait-il ? Rien. Il était devenu un élément de son
identité. Partir, c'était abandonner une enfant sur le bord de la route ;
c'était lui couper les vivres. »
Ce court et oppressant roman nous entraîne dans les
affres de ce sentiment diffus, intense, incontrôlable, instable et déraisonné
qu'est la passion. Une passion qui plonge peu à peu nos deux amants dans
l'impasse la plus totale, dans le "n'importe quoi", jusqu'à une
rupture aussi inévitable qu'impossible.
Doutes, peurs, espérance, culpabilité, dépendance,
jalousie, trahison, lâcheté, attendrissement, peur de l'attachement, crainte de
l'abandon, domination de l'autre, non-dits, promesses sans lendemains...
Florian Zeller explore avec simplicité et poésie les nombreux pièges insidieux
de la passion, obstacles non avoués à la relation amoureuse.
Et puis quelques interrogations en filigrane :
l'amour s'arrête-t-il là où la tendresse commence ? Peut-on renoncer à soi-même
pour un(e) autre ? Peut-on accepter d'aimer dans la souffrance ? Des questions
auxquelles Tristan trouvera peu à peu ses réponses.
Nous assistons ainsi avec angoisse et désillusion à
la valse fugace et cruelle de deux êtres en perdition qui, à défaut de savoir
s'aimer, finissent par se détruire l'un l'autre.
Un roman ô combien contemporain...
2 oct. 2012
'Mailles à l'envers', de Marlène Tissot
« Je
regardais les paysages défiler, sagement assise sur la banquette arrière ;
L’herbe, sur le bord de la route, faisait des dessins flous comme un film en
accéléré. Je retenais ma respiration pour essayer de ralentir tout ça. Freiner
un peu ma vie qui se tricotait. Trop de mailles à l’envers, pas assez à
l’endroit. Je savais bien que fermer les yeux ne servait à rien. C’était un peu
comme éteindre la lumière pour camoufler le désordre. »
Elle
n’a pas de nom, elle est « un accident » comme ils disent, non
désirée et pourtant bel et bien là. Debout au milieu des décombres d’une
famille à l’agonie.
Mailles
à l’envers est le récit douloureux d’une vie abîmée, totalement désertée par la
magie. Celle d’une enfant confrontée trop tôt aux désillusions, et qui tente de
s’accrocher de toutes ses forces à l’enfance. Pas la sienne, non, celle qu’elle
aurait aimé avoir plutôt, celle dont elle rêve encore un peu parfois, à peine.
Car on
ne s’accroche pas à une enfance aussi sordide, faite de misère, de taudis
crasseux, de parents drogués et alcooliques, d’adultères…
Difficile
de peindre tableau plus sombre, et pourtant, on ne chavire pas pour autant dans
le tragique ni dans une tristesse sans fond. Il y a, au contraire, dans
l’ironie et la rage de cette enfant malmenée, quelque chose qui nous donne du
courage et nous pousse à sourire. De la grâce.
« L’avenir
se planquait dans le brouillard
j’avançais
pieds nus sur le gravier tranchant de la vie
parfois
l’insouciance succédait à l’angoisse
parfois
rarement
comme
un truc qui cloche
un
arbre en fleur dans le paysage
déchiqueté
de mon intérieur. »
La
plume de Marlène Tissot est tranchante, sauvage, impudique ; elle pleure
le dégoût, l’amertume, la colère, le désenchantement. Les plaies sont à
vif ; rien n’est embelli ni aseptisé. L’auteur écrit avec ses tripes, et il
est vrai que cela peut déranger, à première vue, lorsqu’on n’est pas habitué à
un style aussi cru. Mais derrière cette prose brute et brutale : de la poésie,
par petites touches, dispersée ça et là comme des rayons de soleil un peu
frileux tentant de percer un épais rideau brumeux. De l’espoir ? Du
rêve ? Non, ou si peu. Il faut avoir gardé une dose d’innocence et de
naïveté pour croire que tout finira par aller mieux. Les jours meilleurs
n’existent pas.
« J’aurais
aimé qu’un rayon de sommeil me dépose au pays des merveilles. Mais les nuits
amènent rarement plus loin que les lendemains. »
Rien
n’est linéaire dans ce récit. Ni son style, ni sa construction, qui ne respecte
pas d’ordre chronologique mais se plie au gré des souvenirs de l’auteur, allant
et venant à travers les différents âges de l’enfance. Un procédé habile grâce auquel
l’auteur nous offre la possibilité de lire une deuxième fois son roman, en
suivant l’ordre du temps cette fois.
J’ai
pour ma part été complètement happée par la manière dont l’auteur jongle ainsi avec
les mots, les styles, les époques, nous tenant en haleine d’un bout à l’autre. Et
je dois reconnaître avec beaucoup d’étonnement et de plaisir que Marlène Tissot
est parvenue à me faire apprécier un univers et un style auxquels je suis
habituellement peu réceptive ! Sans doute parce qu’elle a sa façon bien à elle
d’ajouter, du bout de sa plume, de petits éclats de douceur et de magie là où
n’en attendait pas.
Une
belle découverte, et un premier roman pour le moins prometteur !
Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC News Magazine de Septembre 2012 (pages 140-141)
24 sept. 2012
Colors, un show haut en couleurs !
Vous
cherchez un moyen efficace de lutter contre le blues et la grisaille du
dimanche soir ? Direction le Théâtre du Petit Gymnase, à Paris, où vous accueille
une palette de comédiens déjantés pour un show haut en couleurs !
Colors,
c’est un spectacle vivant et complètement improvisé, dont le déroulement est
remis chaque soir entre les mains du public qui choisit lui-même les thèmes à
partir desquels improviseront les comédiens. Le principe est simple : dès
votre arrivée, on vous demande de noter sur un papier un thème de votre choix
ainsi qu’une sélection de couleurs. Puis, vous glissez votre papier dans une
urne en vous demandant ce qui vous attend !
Avant
de le découvrir et de vous laisser emporter par ce festival de couleurs, des
élèves de l’EFIT (l’Ecole Française d’Improvisation Théâtrale dirigée par
Esteban Perroy et Franck Porquiet) vous proposent un spectacle qui mérite tout
autant le déplacement ! Je ne vous en dis pas plus, mais préparez-vous à
un moment de franche rigolade ! On les garderait bien un peu plus
longtemps sur scène d’ailleurs !
Mais
il est temps pour nos cinq comédiens et comédiennes passionné(e)s de faire leur
entrée dans les costumes de Miss/Mister Purple, Chrome, Ruby, Orange, Yelow, Bordeaux, Gold
ou d’autres couleurs encore selon les soirs.
Et c’est au gré des thèmes proposés
par… nous, spectateurs, et piochés au hasard dans la fameuse urne (vous vous
souvenez !), que le spectacle s’écrit, dans une ambiance conviviale et
chaleureuse (à tous les sens du terme d’ailleurs, car la température dans la
salle monte très vite et très haut, soyez-en prévenus !).
Si votre thème est tiré au
sort, comme ce fut le cas pour moi avec le thème « Demain j’arrête
de… » !, vous aurez alors le privilège de choisir comment celui-ci
sera décliné en écoutant les débuts d’improvisation proposés par trois des personnages
de votre choix ! Parmi les différentes tonalités proposées et propres à
chacun d’eux – drôle, caustique, dramatique, fantastique, absurde… - c’est vous
qui décidez !
Mister Purple et les autres s’effaceront
alors pour devenir les personnages, objets ou concepts qu’ils incarneront.
Et c’est presque essoufflés mais conquis que l’on quitte la salle 1h30 à 2h plus tard pour aller saluer nos hôtes d’un soir !
Et c’est presque essoufflés mais conquis que l’on quitte la salle 1h30 à 2h plus tard pour aller saluer nos hôtes d’un soir !
Des comédiens à l’imagination
et à la générosité débordante, des improvisations multivitaminées, des
rebondissements à n’en plus finir, de l’émotion, du partage, beaucoup d’humour,
et en prime un invité mystère renouvelé chaque dimanche et qui intègre la
troupe dans le rôle de Miss/Mister White le temps d’un spectacle : vous
l’aurez compris, Colors, c’est un cocktail de bonne humeur qui vous fera, à
coup sûr, oublier l’arrivée du lundi matin !
Mélina
Hoffmann
Retrouvez
‘Colors’ tous les dimanches à 20h45 au Théâtre du Gymnase (Paris 10ème).
Et
pour plus d’informations : le site Internet du spectacle www.colorsimpro.org
Article publié dans le BSC News Magazine de Septembre 2012 (pages 129-130)
Esteban Perroy, une rencontre colorée !
A la suite d’une
représentation, Esteban Perroy - créateur, producteur et metteur en scène du
spectacle Colors, aux côtés de Franck Porquiet - a accepté de se prêter au jeu
de l’interview pour le BSC News Magazine. Une rencontre forcément colorée, à
l’image de cet homme drôle, passionné et chaleureux !
Esteban bonjour ! Pour la sixième année consécutive, Colors investit la scène du Théâtre du Gymnase à Paris chaque dimanche soir, devant un public toujours aussi conquis. Aviez-vous imaginé un tel succès ?
On espère, on
fantasme toujours secrètement le succès d’un spectacle. Mais il ne suffit pas
d’avoir de la chance pour que cela arrive. Il faut d’abord une communication
efficace autour de l’évènement. Mais surtout, pour qu’un spectacle fonctionne
il doit apporter quelque chose au spectateur : de l’émotion, de la
générosité, du partage, de la bienveillance, bref de l’humanité ; lui
offrir la possibilité de s’échapper des problèmes de son quotidien, le
surprendre. On voit notamment à Paris des spectacles qui fonctionnent mal
malgré d’importants moyens financiers déployés et de grosses têtes d’affiche,
pour la simple raison que les spectateurs n’y trouvent rien de tout cela. Pour
provoquer l’acte d’achat le spectacle doit être formellement attractif, mais si
le fond ne suit pas, les critiques seront d’autant plus dures et le
bouche-à-oreille désastreux.
Est-ce que nous
avions prévu ce succès ? Non. Mais nous l’espérions c’est certain, et nous
nous donnons les moyens qu’il continue d’être au rendez-vous les prochaines
années. Quand un spectateur nous dit en sortant que le spectacle était
« sympa », c’est certainement que de notre côté nous n’en sommes pas
satisfaits. Nous allons alors débriefer pendant une heure avec l’équipe pour
savoir ce qui n’allait pas. En revanche, si les spectateurs l’ont trouvé
« génial, merveilleux, fantastique, incroyable…» nous nous octroyons un
peu d’apaisement en se disant que « ce soir, on a fait notre job ». Nous
voulons que les gens sortent éblouis, enjoués, qu’ils n’aient qu’une seule
envie : revenir la semaine suivante parce qu’ils auront partagé avec nous
un moment où ils auront ri, où ils se seront sentis bien, où ils auront eu un
peu foi en l’humanité. C’est peut-être prétentieux mais l’objectif reste de
transmettre du bonheur et de joie de vivre à des spectateurs qui nous font
l’honneur de payer pour venir nous voir.
Comment en
êtes-vous venu à l’improvisation ? Pourquoi ce choix ?
J’ai rencontré
l’impro par hasard il y a 20 ans. J’étais en école de commerce à Grenoble, et
il m’a fallu choisir entre trois matières optionnelles : graphologie,
improvisation ou psychologie de l’acheteur. Etant plutôt grande gueule, je me
suis dit que j’allais prendre impro pour cartonner. Grossière erreur, j’ai
morflé pendant plus de 10 ans ! Dès lors il m’a fallu me battre contre
moi-même, mon ego et mes certitudes. Parce qu’être grande gueule, dans l’impro,
ça ne marche pas. C’est une discipline qui nécessite avant tout de la
générosité, l’écoute et la curiosité de l’autre, beaucoup de respect et de
l’abnégation. J’avais beaucoup de problèmes à résoudre avec moi-même à
l’époque, et autant dire que j’étais loin de posséder toutes ces qualités.
L’impro m’y a beaucoup aidé. Aujourd’hui, je suis heureux grâce à ça, et j’en
ai fait ma vie.
Comment
aborde-t-on une improvisation ? Y a-t-il des règles à respecter ? Des
codes entre les comédiens ?
L’impro est une
discipline artistique à la fois intellectuelle, physique et très ludique.
Attention je ne
parle pas du match d’impro qui est une forme spécifique de spectacle avec des
règles précises. J’évoque la matière improvisation en général. Il n’y a pas de
codes ni de règles, mais plutôt des techniques. Savoir écouter l’autre,
apprendre à rebondir sur ce qu’il va proposer ou faire, travailler son
imaginaire pour construire en temps réel, et sa mémorisation pour assurer la
cohérence de l’histoire, des lieux, des accessoires créés, accepter de lâcher
prise pour favoriser la spontanéité et la surprise… On y ajoute la partie
théâtrale : être capable d’inventer et incarner un personnage, avec son visage,
son corps, sa voix. Il peut s’agir d’hommes, de femmes, jeunes ou vieux, d’un
animal, d’un objet, même d’un concept ; comme la mort est par exemple
représentée par une faucheuse, je peux incarner le concept du mensonge, l’air
du temps, etc.
Il faut travailler
de nombreuses années sur l’énergie et l’incarnation de ce que l’on va faire
avec son corps, sa voix, son visage, sa respiration, la manière dont on va s’ancrer
dans le sol… Enfin, il y a la technique pure liée à l’improvisation, à savoir
la capacité à constituer un nœud dramatique dans une histoire, à rebondir sur
les propositions de l’autre et à renoncer parfois à une idée si la proposition
de l’autre ne s’y prête pas.
Il faut que les
spectateurs et vos partenaires de jeu croient en les personnages qu’ils voient,
qu’ils oublient les comédiens. C’est
essentiel.
Vous participez
au spectacle en tant que Mister Purple. J’allais vous demander pourquoi vous
aviez choisi cette couleur, mais en voyant la coque de votre Iphone (qui est
violette), j’ai une petite idée !
Oui !
(rires) Je peux vous montrer mon porte-monnaie aussi si vous voulez… Même mes
chaussettes mais bon... !
J’ai toujours
été fasciné par les couleurs, j’aime cette notion d’embrasement, de prismes,
d’explosion de couleurs, de lumière que l’on retrouve dans chaque spectacle.
Et le violet a
toujours été ma couleur préférée, alors quand nous avons choisi les couleurs je
me suis dépêché de choisir la mienne pour qu’on ne me la prenne pas !
Chaque dimanche
vous recevez un invité spécial, généralement un comédien, qui endosse le
costume de Miss ou Mister White aux côtés des autres comédiens. Quel est votre
souvenir le plus marquant ? L’invité qui vous a le plus surpris ?
Nous avons eu
beaucoup d’invités merveilleux. Je pense notamment à Bérénice Béjo, Nicolas
Briançon, Isabelle Mergault, ou encore Michel Boujenah qui a fait preuve d’une
générosité et d’une incroyable énergie sur scène.
J’ai une
anecdote qui remonte à une quinzaine d’années. Je venais de découvrir le film
d’Olivier Dahan ‘Déjà mort’, dans lequel il y avait notamment Benoît Magimel,
Romain Duris et Zoé Félix. Ce jour-là j’ai eu un coup de cœur pour Zoé Félix.
L’année dernière elle est venue jouer dans Colors. A la deuxième impro, j’étais
allongé à moitié mourant sur une île déserte, et elle m’a fait du
bouche-à-bouche pour me réanimer – je n’avais rien demander à personne !
J’étais tellement ému que je suis resté scotché (ce qui n’a pas manqué de faire
réagir les spectateurs). Nous étions en état de jeu, je n’étais pas conscience
de la scène en tant que moment réaliste, je n’ai absolument pas profité de la
sensation de ce baiser. Et puis, je savais que son compagnon était dans la
salle donc ça n’aurait pas été très classe ! Voilà, c’était un moment
incroyable, mais en même temps j’ai loupé le coche, je m’en veux un peu.
(rires)
Un autre très bon souvenir : un soir, le comédien qui était prévu pour jouer le rôle de Mister White a annulé sa venue à la dernière minute. La salle était pleine, le spectacle était sur le point de commencer, et nous n’avions pas de Mister White. Et là, le régisseur du spectacle remarque la moto de Vincent Moscato – ancien international de rugby français, animateur radio sur RMC et comédien - garée devant le café d’à côté. A l’époque je ne le connaissais pas personnellement mais je savais qu’il faisait du théâtre et des one-man. Je suis allé le voir direct. Il était avec sa femme et son enfant, il ne savait pas qui j’étais, je lui ai expliqué la situation et mon problème technique en dix secondes… et il a dit « ok » ! On lui a commandé une pizza à l’arrache qu’il a englouti en trois minutes avant le lever de rideau…
La soirée a été
magique ! Il n’avait jamais fait d’impro de sa vie, il n’a pas eu le temps
de se mettre la pression et était donc en lâcher-prise total ! Il a été
extraordinaire et nous avons passé un moment inoubliable. L’un des plus beaux
Colors sans doute.
Et qui aimeriez-vous recevoir ?
José Garcia,
Marina Foïs, et le must du must serait Benoît Poelvoorde.
Benoît si tu
lis ces lignes, je te veux, tu es notre héros ! Nous t’offrons deux heures de
lâcher prise totale sur la scène d’un merveilleux théâtre, tandis que 800
vierges aux yeux de nacre scanderont ton nom et que des cascades de miel et de
myrtes couleront à tes pieds. Appelle-moi, facebook–moi !
La sixième
saison de Colors nous réserve-t-elle quelques surprises ?
Absolument !
(Silence)
Nous n’en
saurons donc pas plus !
Et bien non,
c’est le principe de la surprise ! (rires)
Pour le moment,
je peux néanmoins vous dire que nous aurons dans les mois à venir notamment la
visite de Michèle Laroque et Arthur Jugnot.
Et peut-être
une énorme surprise en janvier…
Quels sont vos
projets pour les mois à venir ? D’autres spectacles en préparation ?
Je continue à
donner, presque chaque soir, des cours à l’école française d’impro que je
dirige avec Franck Porquiet qui est aussi le co-producteur de Colors et un
partenaire de scène de longue date.
J’ai des
projets cinéma, notamment une comédie que j’ai co-écrite et qui sera produite
l’année prochaine, ainsi que deux films prévus en tournage pour 2013.
Un recueil de
nouvelles devrait voir le jour courant novembre, intitulé ‘Contes de la
Blanche-Nuit’ et illustré par Nicolas Perruchon, avec une dizaine d’histoires
aux univers variés.
Et puis côté théâtre,
vous me retrouvez les dimanches soir au Gymnase pour Colors. Et également les
vendredis et samedis soirs au Palais des Glaces pour ‘La Boîte de Pandore’, un
spectacle plus intimiste avec seulement deux ou trois comédiens sur scène, des
improvisations plus longues et un univers assez hilarant et très onirique.
Quelle question
auriez-vous aimé que je vous pose ?
Que faites-vous
ce soir ?
Et que
m’auriez-vous répondu ?
On va boire un
Mojito Framboise ?
Propos
recueillis par Mélina Hoffmann
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Interview publiée dans le BSC
News Magazine de Septembre 2012 (pages 122-128)
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