« Trois jours plus tard
Objet : La pause est finie !
Chère Emmi, nous avons fait une pause de trois
jours sans mails. Je trouve que nous pourrions nous y remettre. Je vous souhaite
une bonne journée de travail. Je pense beaucoup à vous, le matin, le midi, le
soir, la nuit, entre-temps, à chaque fois un peu avant et un peu après – et
aussi pendant. Je vous embrasse, Leo. »
Une adresse mail mal recopiée, un courrier
adressé à un mauvais destinataire, et voilà comment ce qui aurait dû n’être qu’un
banal courrier administratif se transforme en point de départ d’une
interminable correspondance entre un homme et une femme dont les chemins n’avaient – à priori –
aucune raison de se croiser.
Leo Leike et Emmi Rothner ne se connaissent
pas, ils ne se sont jamais vus et ne savent absolument rien l’un de l’autre. Deux
parfaits étrangers en somme. Pourtant, un jour de janvier, c’est dans la boîte
mail de Leo qu’arrive par erreur un mail d’Emmi demandant la résiliation de son
abonnement à un magazine. Un mail auquel Leo décide de répondre pour avertir la
jeune femme de sa mégarde. Tout aurait pu s’arrêter là. Mais il n’y a pas de
hasard dit-on…
Ainsi, de trait d’humour en douce
provocation, les mails se succèdent, se rapprochent, se bousculent ; Emmi
et Leo tentent de se deviner sans rien se révéler de leurs vies
respectives ; les mots valsent, se taquinent, se fuient, se rattrapent, s’enlacent,
s’agrippent, s’écorchent... Le jeu de séduction s’installe, le lien se crée. Les
« Cordialement » deviennent des « bises », qui se changent
peu à peu en « je vous embrasse », puis en « je vous embrasse
très fort », de même que la signature de la jeune femme - E.Rothner - se
mue en Emmi Rothner, avant de devenir Emmi, puis ‘votre Emmi’.
« Je n’arrive pas à dormir. Vous ai-je déjà parlé du vent du nord ?
Je ne le supporte pas quand ma fenêtre est ouverte. J’aimerais bien que vous
m’écriviez encore quelques mots. Juste « fermez la fenêtre alors ».
Et je pourrai vous rétorquer : je n’arrive pas à dormir avec la fenêtre
fermée. »
L’étreinte se resserre entre ces deux êtres
dont ni les corps ni même les regards ne se sont jamais rencontrés ; le
plaisir de mails échangés se fait besoin, la dépendance s’installe, puis se
pose naturellement la question de la rencontre, et cette crainte de rompre ce
que ce lien a d’impalpable. Ils se lancent alors un défi : se donner
rendez-vous dans un café bondé, et se reconnaître, sans savoir à quoi ressemble
l’autre, et avec l’interdiction de s’aborder. Mais y sont-ils vraiment
prêts ? Sauront-ils se retrouver au-delà des mots ? Existe-t-il une
place pour eux quelque part, ailleurs que dans cet espace virtuel ?
Didier Glattauer nous offre une romance
contemporaine diablement efficace que l’on dévore d’une traite ! Une
histoire originale, tendre, pleine de fraîcheur ; des répliques
pétillantes, piquantes ; des personnages auxquels on s’identifie sans mal
et qui nous offrent le délicieux spectacle des premiers temps de l’amour, de
ses craintes, ses hésitations, ses impatiences, ses angoisses, ses
impossibilités aussi parfois. Au fil des pages, on se laisse envelopper dans
une sorte de cocon douillet, une bulle de douceur qui nous fait oublier tout ce
qui se passe autour, et on se sent immédiatement devenir - nous aussi !-
accros à ces mails, à leur ton taquin et passionné, à la magie de cet amour
épistolaire à priori complètement improbable et pourtant crédible.
« Emmi, vous me hantez. Vous me manquez. J’ai
le mal de vous. Je lis vos mails plusieurs fois par jour. Votre Leo. »
On lit le sourire aux lèvres, on a le cœur
qui se serre un peu parfois, on devine l’angoisse, on devient Emmi, ou Leo, et
on savoure chaque nouveau mail comme s’il nous était adressé.
Et puis on guette notre boîte mail, au cas
où…
Un livre drôle, rythmé, tendre, qu’on lit
le sourire aux lèvres et dont on a beaucoup de mal à se défaire. Mais
heureusement, Leo et Emmi n’ont pas dit leur dernier mot…
Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans
le BSC NEWS MAGAZINE de Février 2012