« Elle l’attend. Elle est l’attente. Chaque matin davantage depuis une semaine qu’elle a pour la première fois senti l’immense vague lui creuser le ventre au rythme de sa langue dans sa bouche, la langue de Liesse, elle est l’attente, l’attente ailée confiante d’une chrysalide, elle sourit, elle pense à la fatalité du désir, puisqu’il arrive (...) »
Prenez une profonde inspiration avant d’entamer la lecture de cette nouvelle brûlante, car vous ne pourrez reprendre votre souffle qu’une fois le livre refermé !
Nul besoin d’intrigues ou de rebondissements, Bertrand Leclair parvient, par un exercice de style magistral, à nous maintenir en haleine d’un bout à l’autre de ce texte transpirant de désir. Un désir projeté dans l’attente quasi insoutenable d’une femme mariée pour son amant, un amant qu’elle appelle Liesse. «Elle veut à frémir qu’il arrive et ses mains sur elle et son souffle et sa peau, sa peau, oui, elle veut sa peau, c’est exactement ça elle veut la peau de Liesse (...)».
Les mots s’enchaînent à une vitesse folle, dans une prose délicieusement poétique où le désir exacerbé repousse les points et les virgules. On lit ce texte d’une seule traite, comme on courrait un 100 mètres. Impossible de s’arrêter.
On se laisse emporter dans ce tourbillon de mots, dans cette cascade de désir. Un désir brut exprimé sans tabou, avec, d’un côté, le désir étourdissant d’une femme qui attend son amant, un amant qui redonne vie à chaque parcelle de son corps, de son être, «la vie vraie de l’âme au corps accordée», la ramenant à elle-même, entière et vivante ; et de l’autre côté son mari, rongé par la jalousie, qui couche ses doutes sur le papier pour ne pas affronter la réalité. Une réalité qui s’impose de plus en plus à lui, qui se devine de plus en plus dans l’attitude de cette femme «absente à leur univers et pourtant présente à elle-même comme il l’a rarement observée.»
Le désir imprègne chaque phrase, dont certaines s’écrivent sur plusieurs pages avant de nous autoriser à reprendre notre souffle. Un désir interdit vécu sans culpabilité. « (...) femme adultère, ce mot d’adulte au parfum de mystère, ce mot de grande personne peut-être, elle songe, traçant les lettres éphémères au souffle du miroir, ce mot qui la fait grandir et grandir jusqu’au vertige, elle songe, qui vous fait grandir mais vous précipite au sens de la terre (...) ».
L’auteur manipule les mots avec une aisance déconcertante. Jeux de mots, métaphores, brèves incursions poétiques... : on ne lit pas simplement ce livre pour l’histoire qu’il raconte, mais aussi pour la qualité et l’originalité déconcertante de la plume de l’auteur.
Un chant érotique enivrant qui éveillera tous vos sens.
Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC News Magazine de février 2011.
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