« - Asseyez-vous, dit-il.
Tout tourne autour de moi.
J'ai vingt ans.
Cent ans, parfois.
Une vie commencée par la fin.
Je suis jeune, mais qu'est-ce que
la jeunesse quand on a perdu l'insouciance ? »
Mariée depuis
peu, une jeune femme de 20 ans se trouve confrontée à la maladie de celui
qu’elle aime et qu’elle est sur le point de perdre. Étouffée par une souffrance
qu’elle ne sait pas dire, démunie face au drame qui se profile et la prive de
toute capacité à ressentir la moindre émotion, elle décide, sur les conseils de
son médecin, d’entamer une psychanalyse.
C’est ainsi que,
semaine après semaine, de lundis en jeudis, nous la suivons dans ce cabinet où
se tisse peu à peu une relation ténue, presque muette mais néanmoins
primordiale, entre elle et son psy. Une psychanalyse dont elle n’espère pourtant
rien. « Si je vous parle et que vous parveniez à me guérir, ce sera pour vivre
quoi ? »
Car que peut-on attendre
de la vie lorsqu’elle nous a dépossédés de nos rêves et de ce qui nous est le
plus cher alors même que nous y faisions nos premiers pas ? Qu’a-t-on à
espérer d’une vie qui, au lieu de se laisser vivre, nous confronte à la mort de
la manière la plus inadmissible qui soit ? A quoi bon ?
Des questions qui
hanteront silencieusement chacun de ces entretiens au cours desquels elle
tentera, avec pudeur et simplicité, de mettre des mots sur cette
« anesthésie du cœur », ce mal-être insoutenable qui la ronge de
l’intérieur et la pousse à trouver refuge sur ce divan, deux fois par semaine,
face à un psy impénétrable qui n’a à lui offrir que des acquiescements, des
raclements de gorge et quelques « hum » de temps à autre. Ersatz de
communication auxquels elle s’accroche comme à une bouée de sauvetage, qu’elle
tente d’interpréter, tout comme ses silences. Des silences qui la renvoient
finalement à elle-même, là où se trouvent les réponses à ses interrogations,
les ressources qui lui manquent.
« J'ai loué un espace de temps ; trois quart
d'heures, deux fois par semaine. L'espace m'est réservé : reste trente minutes.
Une demi-heure peut contenir l'histoire, les douleurs et les secrets d'une
existence. Il suffirait de quelques mots, quelques minutes, pour s'alléger d'un
fardeau. (...) Pour combattre, nous n'avons pas d'autres outils que les mots.
Il n'y a ici ni affection ni compassion. Pas de bras dans lesquels se réfugier,
aucune épaule sur laquelle poser sa tête. »
Et c’est par ce
lien fragile et dénué de tout sentiment affectif qui se crée qu’elle s’extrait
doucement, presque imperceptiblement, de la prison de solitude dans laquelle
elle s’était enfermée, reprenant lentement contact avec elle-même et
réapprenant la relation à l’autre, si essentielle.
Dans ce roman
autobiographique, Christine Orban nous décrit avec précision et simplicité ce
qu’est le début d’une analyse, la façon dont se construit et s’articule la
relation entre le psy et son patient, l’observation mutuelle à laquelle ils se
livrent au cours des séances, la difficile confrontation avec soi-même et le
pouvoir des mots face à l’insoutenable.
Un livre tout en
pudeur dans lequel les émotions se devinent plus qu’elles ne sont exprimées,
nous frôlant sans jamais nous pénétrer. Un ouvrage sensible et intimiste.
Bonsoir
RépondreSupprimer"..... les émotions se devinent plus qu’elles ne sont exprimées, nous frôlant sans jamais nous pénétrer. "
Effectivement je trouve que c'est vrai ce que vous avez dit,mais en même temps en voyant ton "état d’âme" et "la météo du cœur" ,n'y a t-il similitude entre l'histoire du livre et la votre?
Alain
Bonsoir Alain,
RépondreSupprimerMes choix de lecture ne laissent en effet que peu de place au hasard.. Il va néanmoins falloir que j'actualise "Mes états d'âme", car je fais désormais en sorte qu'il y ait plus de rires que de larmes dans ma vie. Du moins j'essaye..
Bonsoir Mélina
RépondreSupprimerRestes comme tu es ,réelle afin de ne pas tomber dans l'hypocrisie car avoir le cœur dans la main est un don du ciel .Je te souhaites en tout cas plus de rire que de larmes dans ta vie.
Fernand Pessoa avait disait un jour:
".....et ces chanceux qui ont sur le bout de la langue la phrase par laquelle leur pensée s'est révélée à eux - la phrase incontournable, la phrase semblable à l'idée elle-même, la phrase-expression"