« J’en
viens à penser que la vie s’acharne toujours sur les mêmes personnes. Comme si
la douleur ne suffisait pas en une seule et unique occasion. Non, il en faut
encore et encore. Accumuler les douleurs. Assombrir les bonheurs. Faire un
néant d’un bonheur qui s’annonçait certain. Faire le vide d’un sentiment exceptionnel.
Faire notre, cette vie dans une situation tragique. »
Comment retenir
la vie qui nous échappe, le bonheur qui se dérobe sous nos yeux impuissants, le
temps qui nous emmène vers une issue qui s’annonce douloureuse ?
Comment
combattre le sentiment de colère, de révolte contre cette vie qui s’empresse
d’assombrir un bonheur difficilement acquis, d’anéantir des rêves sur le point
de devenir des réalités, de nous couper le souffle lorsqu’enfin nous étions parvenus
à respirer profondément ?
Dans ce récit court et poignant, Marie Barrillon
nous parle avec une infinie délicatesse d’un amour passionnel que rien ne
semblait pouvoir détruire, de moments de bonheur de ceux auxquels on ne croit plus lorsque la vie
nous a trop souvent malmené. Avec beaucoup de poésie et une intensité
bouleversante, elle nous raconte l’histoire d’une relation pleine de promesses
qui, soudain, bascule tragiquement.
Une relation
dans laquelle tout allait pour le mieux, jusqu’à ce qu’une distance s’installe,
que l’intimité se fasse de plus en plus rare malgré un amour toujours aussi
présent. Une distance incompréhensible, jusqu’à ce que l’homme aimé murmure à l’oreille de celle dont il
partage la vie le seul mot qu’elle n’aurait jamais voulu, jamais imaginé
entendre. Un de ces mots que l’on croit toujours naïvement réservé aux autres :
maladie. Un mot qui anéantit tout, face auquel la jeune femme se sent désarmée,
n’ayant rien d’autre que son amour à offrir pour tenter de combattre ce
« mal moderne » qui est désormais le leur. Mais l’amour est parfois insuffisant et n’est alors plus que le spectateur d’une destruction contre
laquelle ils ne peuvent rien.
Marie Barrillon
nous raconte la lutte de cette femme pour sauver son couple condamné, sa
détermination à combattre la fatalité. Puis cet amour qui lui échappe, qui leur
échappe, se nourrissant de leurs peurs qui se font de plus en plus
présentes : « Nous en sommes
arrivés à avoir peur l’un de l’autre et de notre tendresse. Peur de nous
toucher sans éveiller les regrets. Peur de nous aimer avec des conditions. Peur
de nous parler en évitant les mots d’amour. Peur de nous tenir la main sans
faire surgir nos désirs. Peur de notre propre regard l’un vers l’autre et de ce
que l’on pourrait y lire. »
Le doute et
l’incompréhension s’installent sur une vie qui n’a plus de direction, sur un
avenir qui se meurt. Elle tente de fermer les yeux, de tourner le dos à cette
tragédie qui les frappe de plein fouet, mais la réalité la rattrape toujours, plus violente et inacceptable à
chaque fois.
Elle en vient à
se perdre, à ne plus savoir qui elle est. A fuir cet amour qui n’est plus que
douleur, sans pour autant avoir la force d’y renoncer.
« Je coule à pic. Si une main pouvait se tendre
vers moi, je la saisirai… peut-être. Juste pour que mes larmes aient une autre
cause. Mes sourires, un autre horizon. Mes désirs, un autre corps. Mon destin,
un autre chemin. »
Marie Barrillon
sait nous toucher en posant les mots justes sur les émotions les plus
complexes. Au fil de ses phrases courtes et percutantes, sa tristesse, sa
colère, son désarroi deviennent les nôtres, au point d’en devenir parfois
presque insoutenables.
La vie suspendue, c’est un
combat. Le combat d’une femme qui semble retenir son souffle, d’un couple que
l’on imagine marcher sur un fil au-dessus du vide. Un beau moment de lecture.
Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC News magazine.
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