« Tout
continue et recommence sans cesse, différent et pourtant à l'exact identique.
Mendier. Dormir. Se laver. La date des journaux. Déféquer. Bouffer. Boire.
Dormir. Rester propre. Penser à Claire. Ne pas crever. (...) Hier ressemble à
aujourd'hui, et demain à hier. Avenir et passé s'effondrent et agonisent dans
un présent sans fin. »
Philippe Lafosse
est cadre dans une entreprise. A 27 ans, il est le papa d’une petite Claire de
six ans et demi, sa princesse comme il l’appelle souvent. Une existence
normale, « banale » oserait-on dire… Jusqu’au jour où sa femme, dont
il est divorcé depuis trois mois, le met à la porte. Dans le même temps, son
CDD n’est pas renouvelé.
Du jour au
lendemain sans toit ni travail, Philippe n’a plus que ses petites économies
dans lesquelles il puise pour se loger et subvenir à ses besoins primaires. Mais
lorsque son compte arrive à sec et que le seul ami à qui il ose demander de
l’aide la lui refuse, c’est la descente aux enfers pour Philippe qui n’a alors plus
d’autre choix que de dormir dans la rue et mendier, non plus pour vivre, mais
pour tenter de survivre. En quelques jours à peine, Philippe est devenu un SDF,
de ceux dont on croise la route tous les jours, le plus souvent dans une
tragique indifférence. Il découvre le monde de la rue, son inconfort, ses
dangers, ses règles, ses hivers rudes, son désespoir, sa solitude.
« -
Excusez-moi madame, il me manque un euro pour pouvoir manger... Excusez-moi
monsieur...
Regards aveugles, mouvements de tête négatifs,
haussements de sourcils, soupirs agacés, bougonnements, mains levées comme un
mur invisible ou une barrière infranchissable. »
Et puis, un soir,
au détour d’une rue sombre, une rencontre inattendue va mettre un peu de poésie
dans sa triste existence et l’aider à trouver l’espoir et le courage de s’en
sortir...
Bouleversant.
C'est le premier mot qui me vient à l'esprit pour décrire ce roman - au titre
et à la couverture aussi poétiques qu'énigmatiques - qu'il est impossible de
lire sans avoir au moins les larmes aux yeux ! Harold Cobert nous dresse ici le
portrait poignant d'un homme qui, en quelques jours à peine, voit sa vie
basculer d'une façon qu'il n'aurait jamais pu envisager. Un récit dur, brutal,
parsemé de touches de tendresse et de poésie. D'optimisme aussi.
On enchaîne les
courts chapitres qui se succèdent sans plus pouvoir s'arrêter, la gorge nouée,
le cœur serré.
La plume d'Harold
Cobert est d'une incroyable efficacité, sobre, sans fioriture, échappant
habilement au voyeurisme tout en étant précise et réaliste. Car au-delà de
l'aspect romanesque, il est bien question dans cet ouvrage d'une triste
réalité, celle d'hommes et de femmes bien trop nombreux face auxquels nous
avons adopté le réflexe de baisser les yeux. Des être humains dans une profonde
et inacceptable détresse, que la rue dépouille lentement de leur humanité.
On peut espérer
de ce récit qu'il nous aide à changer notre regard sur cette misère humaine, en
nous rappelant que derrière chacun de ces SDF dont nous croisons quotidiennement
la route, il y a avant tout un homme ou une femme, respectable, avec son
histoire, ses douleurs personnelles. Et alors, si nous ne pouvons leur faire
don de quelques pièces, peut-être oserons-nous au moins leur offrir un regard,
un sourire, car il n'est pas seulement question d'argent, c'est aussi de
l'humanité et de la considération qu'ils mendient. De l'espoir.
A-t-on vraiment
le droit de leur refuser ça ?...
Un livre qui, une
fois refermé, hantera encore longtemps votre esprit.
Mélina Hoffmann
Chronique publiée sur le site Internet du BSC News Magazine : ICI.
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