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Ma vie, c'est du bonheur à ne plus savoir qu'Enfer. Journaliste littéraire et culturelle pour le BSC News Magazine, je suis une passionnée, amoureuse de la vie et boulimique de mots. Ceux que je dévore à travers mes très nombreuses lectures, et ceux qui se dessinent et prennent vie sous ma plume. Je travaille actuellement à l'écriture d'un roman, d'un recueil de poèmes ainsi que d'un recueil de tweets. A mes heures perdues, s'il en est, j'écris des chansons que j'accompagne au piano. Mon but dans la vie ? Réaliser mes rêves. Work in progress... LES TEXTES ET POÈMES PRÉSENTS SUR CE BLOG SONT PROTÉGÉS PAR LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE (COPYRIGHT).

3 avr. 2013

'L'Apothicaire', Henri Loevenbruck




« - Notre première expérience de vie, dans le ventre de notre mère, est une expérience solitaire. Dès lors, toute son existence, on cherche l'Autre. Désespérément. On cherche une âme soeur, une entière compagnie, comme pour soigner cette solitude première, tu comprends ? Et puis les années passent, les illusions s'abîment, et la vie nous apprend à nous préparer à retrouver cette solitude. Ainsi est le sens de la vie : au contact d'autrui, il s'agit d'accepter qu'un jour nous serons seuls à nouveau. Et l'accepter n'est pas une mince affaire, je te l'accorde. Mais je crois y être parvenu. Je suis prêt. »

Il est des livres que l’on oublie aussi vite qu’on les a lus. Certains parviennent à nous tenir en haleine jusqu’à un dénouement souvent décevant. Il en est d’autres dont on tourne péniblement les pages dans l’attente d’un petit quelque chose en plus qui n’arrive pas toujours. Et puis il est des livres, plus rares, par lesquels on se laisse posséder, envahir ; des livres qui nous offrent bien plus qu’un moment d’évasion ou de détente, avec lesquels se tisse un lien étroit et dont l’empreinte résiste au temps.

Nul doute que L’Apothicaire appartient à cette dernière catégorie. Entre le polar, le roman historique, le conte philosophique ou encore ésotérique, Henri Loevenbruck a préféré ne pas choisir, et autant dire qu’il a bien fait !

Nous voilà donc immergés en 1313, dans le Paris médiéval de Philippe le Bel et des Templiers où sévissent luttes de pouvoir et autres querelles théologiques. Par un matin de janvier, Andreas Saint-Loup, fameux apothicaire de la rue Saint-Denis, découvre dans sa demeure une pièce dont l’existence semble avoir échappé à tous ses habitants. Tandis qu’il tente de trouver une explication rationnelle à ce phénomène - rejetant toute interprétation mystique ou religieuse - d’autres évènements étranges se produisent…

Comment des pans du passé peuvent-ils avoir échappé à la mémoire de tous ? Et pourquoi les recherches d’Andreas Saint-Loup semblent tant déranger certains hommes de pouvoirs bien décidés à le faire taire ? Soupçonné d’hérésie et pourchassé par l’Inquisiteur de France, l’Apothicaire décide alors de partir sur les traces de ce mystérieux passé et se lance dans une quête de la vérité qui l’emmènera de Paris au Mont Sinaï, en passant par Saint-Jacques de Compostelle. Tout au long de ce périple qui le mettra face à de nombreux dangers, il pourra compter sur le soutien inconditionnel de son jeune apprenti, Robin, ainsi que sur celui d’Aalis, une petite fille confrontée trop tôt aux désillusions de la vie, dont les deux hommes croiseront le chemin.

Quelques pages suffisent pour se laisser envoûter par la plume fluide et gracieuse de l’auteur, et par ce personnage d’Andreas Saint-Loup auquel on sent bien que l’on va finir par s’attacher malgré la présentation plutôt rugueuse qui en est faite : celle d’un être sombre, peu bavard, impassible, solitaire, provocant, objet d’admiration et de respect. Un homme d’esprit ; être singulier à l’histoire tout aussi singulière. On l’imagine d’ailleurs sans peine cet Apothicaire – de même que l’ensemble des personnages et des lieux évoqués – au gré des méticuleuses et souvent délicieusement métaphoriques descriptions qui parsèment le récit.

« Ses yeux noirs, soulignés de cernes épais, brillaient d'un reflet d'argent, comme si deux petites lunes d'hiver, la nuit de sa naissance, étaient venues se graver à jamais au bord de ses pupilles. »

A mesure que nous voyageons aux côtés de ces trois personnages terriblement attachants, l’auteur s’adresse à nous et nous offre – dans une langue datée et sublimée – de nombreuses digressions philosophiques qui nous emmènent dans les tréfonds de notre être, là où sommeillent nos interrogations les plus existentielles. Une construction narrative qui n’est évidemment pas sans rappeler un certain Alexandre Dumas, auquel Henri Loevenbruck multiplie les clins d’œil.

« Ce besoin d'amour et de fraternité qui étreint même le plus vil des hommes n'est-il pas la preuve de notre inextinguible quête d'un Autre qui nous fasse oublier que nous ne sommes qu'un ? (…) Et quand bien même on ne la trouve jamais vraiment, on continue, pourtant, de chercher jusqu'au dernier instant cette personne qui n'existe pas, comme la promesse d'un antidote qui saurait panser toutes les plaies de l'existence. »

L’Apothicaire fait partie de ces livres dont on aime relire des passages, certains pour la sagesse qui s’en dégage, d’autres pour la douloureuse réalité qu’ils expriment et à laquelle il est parfois nécessaire de se reconnecter ; d’autres enfin pour la simple beauté de mots juxtaposés dans une alchimie parfaite. C’est à se demander si Henri Loevenbruck écrit avec un stylo ou avec un pinceau ! En tout cas, il est certain qu’il est ici question d’Art, et le plaisir qu’a pris l’auteur à l’écriture de ce livre est palpable et nous contamine jusqu’à un dénouement surprenant.

Un dénouement en points de suspension toutefois, car si le livre se termine, il n’en finit pas moins de nous hanter, point de départ de nombreux questionnements sur le sens de la vie, la solitude, l’amour, ou encore la mélancolie. Et si, à trop chercher quelque chose ou quelqu’un qui, bien souvent n’existe pas, nous finissions par nous perdre nous-même ? Et si, comme Andreas Saint-Loup, à force de chercher à comprendre tout ce qui nous entoure, on passait à côté de soi ?

L’Apothicaire est une œuvre érudite et passionnante - tant d’un point de vue intellectuel qu’émotionnel – qui nous plonge dans une intrigue palpitante derrière laquelle se dessine, en filigrane, une quête philosophique et spirituelle des plus contemporaines. Un immense coup de cœur.


Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC NEWS MAGAZINE de Décembre 2011   

Découvrez mon interview d'Henri Loevenbruck ICI.  

1 commentaire:

  1. Je suis tout à fait d'accord avec toi. Ce roman est excellent.
    Ma critique complète se trouve ici:
    http://www.christelle-pigere-legrand.com/l-Apothicaire-Henri-LOEVENBRUCK.php

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