« Il
prend sa main. Paume alanguie dans la sienne. Aucun mouvement des doigts, pas
la moindre pression. Une peau morte. Il serre les phalanges, se tourne vers
elle, qui regarde la scène, fermée. Il retire sa main, cherche des raisons à
cette impassibilité inhabituelle, n'en découvre aucune et se mure dans un
silence austère, pensant : Elle viendra, elle ne boude jamais longtemps. »
Lui. Elle. Sept ans de vie commune,
deux enfants, des souvenirs en pagaille. Et puis l'amour qui bascule, le silence
qui s'installe, le désir qui s'échappe, la relation qui vacille, s'effrite sous
leurs regards impuissants. Il l'a sentie s'éloigner, a tenté de la rattraper,
de retenir sa main dans la sienne et de resserrer son étreinte. Mais elle a
dégagé sa main et s'est dérobée à son contact. Il ne peut plus rien, il l'a
compris mais ne l'accepte pas. Pas encore.
Elle aime un autre homme. Mais elle
dit l'aimer encore lui aussi, alors il accepte, essaye. Il tente de se
convaincre qu'il n'est pas jaloux. Après tout, elle mérite d'être aimée, et
puis ils possèdent ce lien unique qui les rend indissociables : leurs deux
enfants. « Même si leurs feuillages
se heurtent souvent, ils sont unis par les racines. », se dit-il. Mais tandis qu'il s'accroche à ces
illusions, la rupture s'amorce, se déroule étape par étape. Malgré ses
interrogations, sa patience, ses remises en question, ses efforts, elle lui
échappe de plus en plus.
« Elle
parle, rit, sourit, va, vient et s'occupe, mais elle le fuit. Les couloirs -
étroits - de l'appartement sont comme des pièges où elle évite d'être prise. »
Il comprend doucement qu’il ne peut
rien contre son envie d'autre chose, contre le temps qui passe et use parfois
l'amour. Rien non plus contre la passion qui la dévore, et dont il n’est pas
l’objet.
C'est une histoire malheureusement
banale que nous raconte Dan Franck : celle d'un couple échoué sur les
rives d'un amour qui a pris le large ; celle d’un homme et d’une femme qui
se séparent, d’une famille qui se désunit, avec tout ce que cela implique
d’interrogations, de remises en question, de combats, de colères, de
désillusions...
Pour affronter la souffrance dans laquelle
le plonge cette épreuve et son impuissance à retenir celle qu’il aime, l’homme
encore amoureux se réfugie dans l'écriture. Et c’est en réalité là que commence
ce livre, puisque c’est sa propre histoire que nous livre ici l’auteur, ses
tentatives vaines pour retenir l’amour jusqu’à l’inévitable constat qu’il devra
se résoudre à faire sa vie sans elle. C’est alors l’heure des nuits blanches et
des idées noires. Qu’a-t-il fait qu’il n’aurait pas dû ? Qu’aurait-il pu
faire mieux ? Avec sa sensibilité et sa pudeur d’homme, Dan Frank nous
plonge au cœur d’une séparation et des tourments qui l’accompagnent.
Un roman récompensé du Prix Renaudot
en 1991 et adapté au cinéma par Christian Vincent en 1994.
Mélina
Hoffmann
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