« En bas de l'immeuble, Tristan pense à
Amélie. Il se dit qu'il va la tromper ce soir, que ce sera la première fois.
A-t-il réellement cru, un jour, qu'il parviendrait à se défaire de cette folie
qui le pousse de fille en fille ? Au début, peut-être ; mais les débuts ne
veulent rien dire, les débuts mentent. »
Amélie aime Tristan. Tristan aime Amélie... et aussi
toutes les autres femmes. Pourquoi n'être qu'avec une seule quand on les désire
toutes ? Il avait pourtant cru qu'avec elle les choses pourraient être
différentes, qu'elle pourrait le faire sien ; il l'avait même laissée
s'installer dans sa vie, ébloui par la passion et la magie d'un amour naissant.
Mais Tristan est rapidement rattrapé par sa vraie
nature, son immaturité sentimentale. Le jeune homme est en proie au doute. Se
sent-il vraiment prêt à renoncer à toutes ces autres femmes qu'il pourrait aimer
? Désire-t-il vraiment devenir l'homme d'une seule d'entre elles ? Ne devrait-il
pas plutôt quitter Amélie ? N'est-il pas prisonnier de sa tendresse à son égard
?
Et puis, alors qu'Amélie est en déplacement, il
rencontre O. à une soirée et ne résiste pas à ce goût - désormais interdit - de
liberté. Pourtant, prisonnier de sa tendresse à l'égard d'Amélie, il ne
parvient pas à prendre la décision de la quitter. Comment pourrait-il la faire
souffrir ainsi, la décevoir, la laisser telle une orpheline, elle, si fragile, qui
ne semble exister qu'à travers son amour pour lui.
« Il lui suffisait d'imaginer Amélie en larmes
pour désamorcer toute envie immédiate de rupture. Lui dire quoi ? Qu'il n'était
pas heureux ? Qu'il avait besoin de retrouver sa liberté ? Et qu'en ferait-il,
de cette liberté retrouvée ? Sans doute repartirait-il à la conquête de la vie.
Mais à elle, que lui resterait-il ? Rien. Il était devenu un élément de son
identité. Partir, c'était abandonner une enfant sur le bord de la route ;
c'était lui couper les vivres. »
Ce court et oppressant roman nous entraîne dans les
affres de ce sentiment diffus, intense, incontrôlable, instable et déraisonné
qu'est la passion. Une passion qui plonge peu à peu nos deux amants dans
l'impasse la plus totale, dans le "n'importe quoi", jusqu'à une
rupture aussi inévitable qu'impossible.
Doutes, peurs, espérance, culpabilité, dépendance,
jalousie, trahison, lâcheté, attendrissement, peur de l'attachement, crainte de
l'abandon, domination de l'autre, non-dits, promesses sans lendemains...
Florian Zeller explore avec simplicité et poésie les nombreux pièges insidieux
de la passion, obstacles non avoués à la relation amoureuse.
Et puis quelques interrogations en filigrane :
l'amour s'arrête-t-il là où la tendresse commence ? Peut-on renoncer à soi-même
pour un(e) autre ? Peut-on accepter d'aimer dans la souffrance ? Des questions
auxquelles Tristan trouvera peu à peu ses réponses.
Nous assistons ainsi avec angoisse et désillusion à
la valse fugace et cruelle de deux êtres en perdition qui, à défaut de savoir
s'aimer, finissent par se détruire l'un l'autre.
Un roman ô combien contemporain...
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