« Les jours ont passé.
Je me suis réveillée, mais la nuit ne m'a pas quittée. Le savent-ils, les
médecins, Ray, Cathy, que je suis de retour ? Tout est calme. J'entends
cette respiration et ces bruits de machines en permanence, j'entends des voix
régulièrement, mais elles ne me parlent jamais. J'ai l'impression que l'on
m'ignore. D'être là sans l'être vraiment. Ou plutôt d'être présente sans que
les autres le sachent, comme un fantôme... (…) Je suis parfaitement éveillée,
et ils me croient dans les limbes de l'inconscience. »
Imaginez... Vous êtes allongé dans un lit, vous ressentez les
sensations. Toutes. Mais votre corps ne vous répond plus, incapable du moindre
mouvement. Imaginez... Vous souffrez, tout votre être hurle intérieurement sa
douleur. Mais vous êtes dans l'incapacité totale de communiquer. Imaginez...
vous venez de retrouver la lumière du jour, la vie vous habite à nouveau. Mais
tout le monde vous croit encore plongé dans la pénombre. Pire, tout le monde
vous condamne.
A la suite d'un malaise, Angèle Lieby est transportée aux urgences de
l'hôpital de Strasbourg. Elle s'exprime de plus en plus difficilement, peine à
respirer, jusqu'à perdre connaissance. Les médecins la plongent alors dans un
coma artificiel pour l'intuber et tenter de comprendre ce qui a provoqué son
état. Mais les jours passent, et Angèle ne se réveille pas. Pour le personnel
médical, le verdict est sans appel, la jeune femme est considérée comme morte.
Pourtant, Angèle est bel et bien consciente, prisonnière de ce corps inerte.
Ce qu'elle va vivre alors ressemble de très près à l'enfer. Traitée
comme un corps sans vie, le personnel soignant ne se soucie plus de ses
ressentis. Les douleurs qu'on lui inflige sont bien pires que celles qu'elle
avait ressenties jusqu'alors. Elle voudrait hurler, se débattre, mais elle ne
peut que subir, suppliant intérieurement que ce calvaire prenne fin.
« La douleur est
insupportable. Irréelle, indescriptible. Et elle est décuplée par mon
impuissance : non seulement je ne peux pas me débattre, mais je ne peux
pas même l'exprimer. Je meurs de souffrance et j'ai la discrétion suprême
de n'en rien laisser paraître. Pas un cri, pas une grimace, pas même un
frémissement. »
Jusqu'à un miracle : une larme.
Angèle Lieby ne cherche pas, avec ce livre, à régler ses comptes, mais
bien à attirer l'attention sur cette expérience terrible qu'elle a vécue,
d'alerter les soignants afin qu'aucun autre malade ne subisse à son tour de
telles souffrances. Elle se veut porte-parole de ceux qui, comme elles, ont été
ou seront un jour dans la même situation de vulnérabilité qu'elle. Pour que
tout cela n'ait pas servi à rien. Pour que l'on s'interroge quant à la
légitimité d'un diagnostique aussi brutal et catégorique à peine quelques
heures après le moment auquel elle aurait dû se réveiller. Pour que l'erreur ne
se reproduise pas.
Elle raconte avec beaucoup d'émotion ces instants de profonde solitude
et de souffrance indicible, ce combat mental pour que la vie triomphe, mais
aussi le retour difficile à l'autonomie, la nécessité de réapprendre à
respirer, sans machine. « Ce ne sera
pas simple de redevenir moi. »
Un témoignage aussi bouleversant que nécessaire, et une très belle
leçon de courage.
Mélina Hoffmann
Chronique publiée dans
le BSC NEWS MAGAZINE de Septembre 2013.
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