« Vous
pouvez sortir de votre vie sans adieux, sans explications. Il est possible de
franchir le seuil, de laisser l'autre pleurer, crier, rester couché par terre
dans l'entrée pendant des jours entiers. Il est possible de dire "à
demain", tout en sachant qu'il n'y aura jamais de rendez-vous. »
Elsa
est malade depuis six mois, victime d’un cancer foudroyant. Elle vit ces
derniers moments avec insouciance et légèreté, entourée de ses proches qui
tentent au mieux de dissimuler leur chagrin. Il y a son mari, Martti et sa
fille Eleonoora.
Il
y a aussi Anna, la fille d’Eleonoora, rêveuse et pleine de vie. Anna qui aime
par-dessus tout se promener dans le tramway avec son grand-père, un peintre
célèbre, et inventer une vie aux passants qu’ils observent ensemble.
Et
puis, une robe oubliée dans un placard, retrouvée par hasard. Un souvenir qui
ressurgit. Un drame qui a laissé une empreinte silencieuse au sein de sa
famille. Un secret dissimulé derrière le mariage apparemment heureux de ses
grands-parents, qu’Anna va faire ressurgir.
Qui est cette Eeva dont elle n’a jamais
entendu parler et à qui appartiendrait cette robe ? La femme qui gardait
sa mère lorsqu’elle était enfant, dans les années 60, lui dit-on. Mais à mesure
que le passé se dévoile, Anna comprend que cette Eeva a joué un rôle bien plus
important dans la vie de ses grands-parents, et surtout dans le cœur de son
grand-père…
Ce
livre est une petite merveille de douceur et de poésie. La plume de Riika
Pulkkinen est d’une telle musicalité que chaque phrase semble nous imprégner
d’une mélodie qui ne nous quitte plus. Une sensation renforcée par le choix de
l’auteur de donner aux protagonistes féminins des prénoms et diminutifs sonnant
en A.
Avec détail et habileté, elle nous
transporte d’une mémoire à l’autre, d’une époque à l’autre, sans jamais nous
perdre, pour reconstruire des souvenirs que le temps et les mensonges ont
altéré.
« Les
murs nous préservent, la nuit nous protège. Tout a déjà commencé, tout avait
commencé lorsque j'ai sonné à la porte, tout avait commencé lorsque j'ai
franchi le seuil. Tout avait commencé déjà bien avant. Tout est aussi vieux que
le temps. »
On
se projette sans mal dans chaque scène, tant le décor et l’émotion sont
retranscrits avec précision et sensibilité. L’auteur nous promène délicatement
à travers les différents stades de l’amour ; du simple confort dans lequel
nous plonge la présence de l’autre, notre gestuelle que l’on détaille à son
attention, les rêves que l’on nourrit, jusqu’à sa personne que l’on est capable
de voir dans sa totalité.
Les mouvements du cœur, de l’âme, de la
vie, y sont dessinés telles des notes sur une partition. La mort qui guette,
qui s’approche, qui frappe, rassemble puis sépare ; l’amour qui naît, qui
s’impose, qui s’embrase, qui fuit, unit ou détruit. Il est aussi beaucoup
question de l’enfance, de l’innocence, de l’Art, du temps qui passe…
On sort de ce roman avec comme seule envie
celle d’y revenir, de prolonger encore un peu le voyage. Un très beau moment de
lecture, comme une parenthèse dans le temps.
Mélina
Hoffmann
Chronique publiée dans le BSC NEWS MAGAZINE de Janvier 2012
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