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Ma vie, c'est du bonheur à ne plus savoir qu'Enfer. Journaliste littéraire et culturelle pour le BSC News Magazine, je suis une passionnée, amoureuse de la vie et boulimique de mots. Ceux que je dévore à travers mes très nombreuses lectures, et ceux qui se dessinent et prennent vie sous ma plume. Je travaille actuellement à l'écriture d'un roman, d'un recueil de poèmes ainsi que d'un recueil de tweets. A mes heures perdues, s'il en est, j'écris des chansons que j'accompagne au piano. Mon but dans la vie ? Réaliser mes rêves. Work in progress... LES TEXTES ET POÈMES PRÉSENTS SUR CE BLOG SONT PROTÉGÉS PAR LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE (COPYRIGHT).

3 janv. 2013

'Patients', Grand Corps Malade



« Je sors tout juste de l’hôpital où j’étais en réanimation ces dernières semaines. On me conduit aujourd’hui dans un grand centre de rééducation qui regroupe toute la crème du handicap bien lourd : paraplégiques, tétraplégiques, traumatisés crâniens, amputés, grands brûlés… Bref, je sens qu’on va bien s’amuser. »
Le ton est donné. Fabien Marsaud, plus connu sous le nom de Grand Corps Malade, nous raconte son quotidien en centre de rééducation alors qu’il se retrouve tétraplégique à la suite d’un plongeon dans une piscine pas assez remplie. Un accident particulièrement tragique lorsqu’on a 20 ans et que l’on rêve d’une carrière sportive de haut niveau. Une vie toute entière bouleversée. Des années d’insouciance volées. Un avenir à réécrire.
Pourtant, bien loin de s’apitoyer sur son sort, celui que l’on connaissait jusqu’alors pour ses talents de slammeur révélés dans trois albums depuis 2006 et récompensés par deux victoires de la musique en France et deux Félix au Québec, nous livre ici un témoignage inédit sur le handicap. Contre toute attente des médecins qui n’avaient aucun espoir de le voir remarcher un jour, le jeune homme à l’optimisme sans faille et au mental de résistant a finalement retrouvé une grande partie de sa mobilité, mais surtout son autonomie. Car, on le découvre au fil de ce récit émouvant, c’est bien là ce qui fait le plus cruellement défaut aux personnes privées de l’usage de leurs membres.
Des gestes de la vie quotidienne auxquels on ne penserait pas forcément tant on les accomplit machinalement, mais qui place les tétraplégiques dans un état de dépendance à l’autre et d’inconfort pratiquement constant. Marcher devient finalement un luxe auquel on ne pense plus, ou si peu, lorsque le simple fait de se gratter, se laver, de fumer, zapper, embrasser, ou encore faire ses besoins ne sont plus possibles seul…
C’est ce que Grand Corps Malade nous confie dans ce récit à la tonalité assez singulière qui n’autorise pas la pitié. Avec une habileté déconcertante, il use de son franc-parler mais aussi d’humour noir et de nombreuses anecdotes pour dédramatiser le handicap sans pour autant en minimiser la gravité. Il raconte le quotidien en centre de rééducation, les liens qui s’y créent, le rapport étroit avec le personnel soignant dont l’omniprésence est nécessaire, l’indélicatesse de certains d’entre eux, les minutes qui défilent en prenant tout leur temps, la gêne lorsqu’il lui est à nouveau permis de ressentir l’espoir, les idées reçues qui volent en éclat, son sentiment d’impuissance face à certaines souffrances qu’il côtoie, les moments de doute, les fou-rires aussi…
« J’avais un pote, à chaque fois qu’il s’apprêtait à sortir de la salle pour laisser entrer quelqu’un d’autre, il avait ce putain de réflexe, il disait : « Bon, je vais y aller, ne bouge pas, je vais dire au suivant qu’il peut entrer. » Ah ! Bah merci de me rappeler de ne pas bouger, j’allais justement faire quelques pas chassés dans le couloir… »
Ce livre est comme un pansement que l’on met sur une plaie, un éclat de rire sous la pluie, une lueur d’espoir en plein chaos. Il y est surtout question de courage, des moments de partage et d’ « en-vie » !
Ainsi, et contre toute attente, on rit – on sourit au moins – à chaque page ! Jusqu’aux larmes parfois ! Des larmes qui n’ont plus tout à fait le même goût à mesure que l’on s’approche de la fin et que le voile de l’humour se dissipe quelque peu, nous ramenant à une réalité plus douloureuse.
Une chose est sûre, la plume de Grand Corps Malade n’est pas capricieuse. Qu’il écrive en vers ou en prose, son encre est la même : un savoureux mélange de sincérité, d’émotions, de subtilité, de pudeur et de générosité.
Avec ce livre – qu’on ne lâche pas avant de l’avoir fini, soyez-en prévenu ! - Grand Corps Malade nous prouve une fois de plus qu’il est avant tout un grand cœur bien valide, et nous livre ici un témoignage émouvant et une touchante leçon de vie.

Mélina Hoffmann

Chronique publiée dans le BSC NEWS MAGAZINE de Décembre 2012 (pages 127-128)

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